Une fuite mortelle en scooter
Il y a quelques jours, un bijoutier qui venait de se faire cambrioler a tiré sur l’un des braqueurs, alors qu’il se sauvait en scooter avec son complice. Le jeune homme de 18 ans, avec un casier long comme le bras, a donc été tué d’une décharge dans le dos en pleine rue.
Maintenant, il faut rendre des comptes. D’un côté, un bijoutier de 67 ans, exaspéré parce que braqué à plusieurs reprises déjà ; de l’autre un délinquant notoire habitué des vols, violences et autres joyeusetés… Qui a raison, qui a tort ? Le principe même de la légitime défense est que la réponse apportée par l’agressé doit être proportionnelle à l’acte porté par l’agresseur. Ici, le braqueur ne menaçait pas (ou plus) le bijoutier, il lui tournait le dos et s’enfuyait. Il n’y a donc pas de légitime défense, puisque l’homme de 67 ans n’avait aucune raison à cet instant précis de craindre pour sa vie. Il a été mis en examen pour homicide volontaire… Ce n’est pas déconnant, puisqu’il est sorti de son magasin armé, a visé le délinquant qui s’enfuyait, et l’a abattu dans le dos.
Pourtant, des comités de soutien fleurissent un peu partout, félicitant ce brave homme pour son meurtre, le montrant en exemple pour avoir buté une racaille. Est-ce une forme de justice que se faire tuer par sa victime, sans procès, sans avis extérieur, comme un animal enragé ? Nous sommes dans un état de droit, et bien qu’imparfait, il a le mérite de protéger l’individu (l’être humain !) de tout jugement hâtif, et surtout il a décidé par un processus démocratique (vote à l’Assemblée Nationale) qu’il n’y aurait plus personne d’exécuté pour ses crimes en France. Tout ça pour qu’un homme, seul, décide de mettre un torchon sur tout ça, et tue son agresseur, alors même que le mal était fait… il était parti, en fuite, dans la rue.
Peut-on tolérer qu’un citoyen lambda sorte dans la rue et fasse feu sur une personne qui lui fait du tort ? Quelle est la limite inférieure autorisée pour se faire justice soi-même ? On raye ma voiture, ai-je le droit de tuer ou dois-je lui demander d’abord s’il est multirécidiviste pour espérer avoir une excuse à mon geste ? C’est ce point qui me pose problème : le jugement populaire n’a que rarement été le bon, il réagit et réfléchit peu. Quand ce genre de faits divers arrive, ça me remémore “Mangez-le si vous voulez”, de Jean Teulé, qui conte l’histoire d’un homme lynché puis brûlé et même mangé (partiellement) par la foule sur un malentendu, au sens littéral du terme.
Pour resituer le débat, on parle ici d’un vol de bijoux, probablement assurés. On parle d’objets, de babioles… Même s’ils sont en or et en diamants, ce ne sont que des objets auxquels on prête la valeur qu’on veut bien. Peut-on tuer pour ça ? Le voleur aurait pris peut-être 10 ans pour vol à main armé, aurait fait 4 ou 5 ans de prison… ça ne l’aurait probablement pas rendu meilleur, mais il est injuste de lui retirer le droit de vivre, de manière arbitraire, sans jugement, sur un coup de sang.
Je ne veux pas qu’en France on puisse se faire tirer dessus par le premier “Justicier dans la ville”. Aujourd’hui c’est un jeune au lourd passé (du haut de ses 18 ans, il me semble), pour autant c’était un être humain. Si l’exécution sommaire est la peine encourue pour ce genre de crime, alors il faut s’attendre à des pelotons d’exécution en pleine rue.
Commentaires
Enregistrer un commentaire